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EXCLU : LAURA PESTEL (PHOTOGRAPHE)

Laura Pestel, 24 ans, rêve de devenir photographe officielle du PSG. La Beauvaisienne a suivi à domicile comme à l’extérieur, l’équipe féminine du PSG, sacrée championne de France lors de cette saison 2020-2021. Pour Billion Keys, elle livre toutes les ficelles de sa profession et toutes les clés qui lui permettront d’atteindre ses (autres) objectifs !

Par Rédaction 06 juillet 2021

Laura, peux-tu raconter ton parcours à la communauté BK ?

Mon parcours est atypique, dans le sens où il a réellement débuté sur les réseaux sociaux. Je suis allée à la Coupe du Monde féminine qui s’est déroulé en France en 2019. Je suis une très grande fan de la joueuse américaine Morgan Rapinoe. J’ai pris plusieurs photos d’elle lors d’un match des USA. J’ai posté l’une d’elle sur mon compte instagram. J’avais environ 70 abonnés et une vingtaine de likes. La photo en question est sortie avec 700 likes ! Je me suis dit qu’il y avait un truc à faire. J’en ai posté une seconde d’Alex Morgan, puis d’autres joueuses américaines… Et ça a bien fonctionné !

Je suis donc allée faire des photos des joueuses du PSG, en mode cool pour mon compte instagram, en restant en tribune. Jusqu’au jour où je suis allée faire le déplacement à Guingamp pour le Trophée des Championnes en septembre 2019. Des tribunes, je me suis aperçue que le troupeau de photographes s’est dirigé vers l’OL et pas vers le PSG ! J’étais une des rares à m’intéresser au PSG. J’ai fait une photo de Sara Däbritz et le soir-même elle m’a contacté pour me demander de lui envoyer ce cliché ! Elle m’a parlé comme-ci j’étais photographe professionnelle. Elle m’a considéré comme les autres. Ce fut une révélation pour moi ! C’est depuis ce jour-là que j’ai voulu en faire mon métier.

J’ai continué mes photos. Lors de PSG-Montpellier, au stade Jean Bouin, j’étais en tribune. Un vigile m’a interpellé pour me dire que c’était la dernière fois que j’entrais dans le stade avec mon appareil photo. J’ai paniqué ! Mon mentor, qui m’a aidé pendant ma première année, m’a mis en relation avec le Paris FC. J’ai donc obtenu ma première accréditation lors de Paris FC-PSG, en D1 Arkema. Quand on vit un match en bord de terrain, on n’a plus jamais envie de retourner en tribune ! C’est totalement différent. J’ai ensuite enchaîné avec un match de Coupe de France dans le Sud, toujours avec le PFC.

Coïncidence ou pas, j’ai manqué mon avion. Par chance il y en avait un second juste après. En attendant, les Parisiennes ont débarqué à l’aéroport. Je croise Bernard Mendy, le coach adjoint du PSG. Il m’a remercié pour ce que je faisais. Il m’a demandé qu’elle était mon rêve ? Je lui ai dit que je voulais couvrir PSG-OM lors de la semaine à venir. Deux heures avant ce match, j’ai reçu un message pour m’avertir que j’avais une accréditation ! J’étais en plein shooting lors d’un match amateur. J’ai dû quitter les lieux pour me rendre en vitesse au stade Jean Bouin. Au moment où j’arrive, les joueuses entrent sur la pelouse ! Pile à l’heure ! J’ai commencé à me faire connaître des autres photographes.

Par la suite, j’enchaîne les matches du PSG notamment à Soyaux. Le club m’a repéré et m’a demandé de lui fournir des photos pour alimenter ses réseaux sociaux. C’est là que tout a vraiment commencé. Ca a pris de l’ampleur. La crise sanitaire fut très compliquée, car sans carte de presse il était difficile d’être accréditée parmi les cinq photographes autorisés à chaque match. J’ai fait des demandes toutes les semaines, avec que des refus. J’ai donc fait d’autres matches. En allant à Dijon, j’ai obtenu une accréditation lors de la réception du PSG. C’est ainsi que j’ai repris contact avec le club, qui m’a permis d’être accréditée pour les matches à l’extérieur en 2021. Je parle beaucoup du PSG, car ce club fait partie intégrante de mon parcours jusqu’à présent. Etant fervente supportrice du PSG, c’est important pour moi d’en parler aussi.

D’où t’es venue réellement cette passion pour la photo ?

Je ne sais pas du tout car mes proches ne sont pas franchement passionnés par ce domaine, ni par le football. Je suis passionnée par le football et par la photographie. Ce combo est donc parfait pour être photographe de sport. Par contre, j’ai toujours aimé immortaliser un moment. On peut assister à 10 000 matchs, les 10 000 seront différents. Certaines actions seront similaires, mais certains moments seront totalement différents. Et si on ne les immortalisent pas, on ne les reverra pas. Les souvenirs vont et viennent, une photo est là et elle ne bouge pas. C’est de là que vient ma passion pour la photo. C’est né comme ça. Pour le football, je suis née avec un ballon dans les pieds. La photo est venue plus tard, à mon adolescence. J’ai toujours aimé faire des photos et des vidéos.

Quels sont les avantages et les inconvénients pour un photographe ?

Le principal inconvénient est la disponibilité. Je travaille pendant que les autres sont au repos. Je fais des heures à ne pas en finir. Je me souviens de mon déplacement à Montpellier, une journée interminable ! Je m’étais levée à 5h30 pour ensuite me coucher à 1h30 du matin. J’avais fait la route, puis pris les photos pendant le match et enfin réalisé le traitement des clichés. Les gens oublient souvent que l’on doit retravailler nos photos. Tout ceci nous empêche d’avoir “une vie” en parallèle de notre profession.

Etant donné que j’adore ce que je fais, c’est comme ci j’étais en vacances. Oui c’est vrai, ça me prend toute ma vie, notamment les déplacements, mais il y a toute sorte de photographe. Il y a ceux qui travaillent en studio, pour chiens, dans plein de domaines. Dans le sport, on est amené à beaucoup bouger, c’est l’inconvénient. Un match, ce n’est pas que la durée d’un match, c’est huit heures de travail pour un photographe.

Tout le reste est un avantage ! Le fait d’être passionnée de football et du PSG est donc une réelle chance de pouvoir photographier les féminines du club. Etre au bord du terrain est un privilège, car l’oeil est différent de celui que l’on peut avoir en tribune. Dans les gradins, on porte souvent notre regard sur le ballon, alors que sur le terrain on a la possibilité de capter des moments clés. De plus, on entend tout et on voit tout ce qui se passe, c’est totalement différent. Ca donne une sensation d’appartenir au monde du football.

Avec les réseaux sociaux, les photographes sont indispensables. C’est toujours sympathique de voir de beaux clichés. C’est comme toucher son rêve du doigt. Plus petite, je rêvais de devenir footballeuse professionnelle, mais on me répétait que ça n’existait pas. Je réalise en quelque sorte ce rêve d’enfant en étant photographe. C’est clairement le plus beau des métiers !

Est-il indispensable d’utiliser du très bon matériel ?

Oui et non ! Il est certain qu’avec du bas de gamme, on n’obtient pas la même qualité qu’avec du haut de gamme. C’est techniquement impossible. Les photographes dans les agences utilisent du matériel qui coûte entre 15 et 20 000 euros. Le mien a une valeur de 3 à 4 000 euros, ça fait le taf ! La différence se verra surtout quand il fait nuit. Sauf au Parc des Princes où la lumière est impeccable ! J’ai changé de boîtier. Je suis passé sur un plein format, qui m’aide davantage pour faire face à cela.

Je ne suis pas convaincu qu’il soit indispensable d’avoir du matériel très onéreux (boîtier et objectifs). Pour moi, cela ne fait pas tout. Le photographe doit également savoir se servir d’un boîtier (la vitesse, l’ISO, la focale). C’est l’équilibre des deux (photographe et matériel) qui va favoriser la qualité. Tout dépend aussi du milieu dans lequel évolue le photographe (studio, portrait). Dans certains cas, il n’est pas nécessaire d’être suréquipé. La différence dans la photographie sportive, c’est que nous sommes à bonne distance des athlètes. Il faut donc avoir des objectifs un peu plus chers.

Quel est ton style de photographie ?

Je ne sais pas si j’ai réellement un style bien défini. Quelque part ça revient à la photo parfaite ! Les deux se rejoignent. J’aime les photos texturées, avec un peu de détails, sans trop de flou. J’aime bien les photos de dos avec le flocage, avec le numéro et le nom de la joueuse. Je suis moins fan lorsqu’il n’y a que le numéro en Coupe de France ou chez les amateurs. Avec le nom c’est plus beau, ainsi qu’avec la tête légèrement inclinée sur le côté. J’aime quand les jambes sont légèrement croisées lorsqu’il s’agit d’une photo de la tête aux pieds. Je fais des rafales pour avoir le moment parfait, sinon c’est très compliqué.

Jusqu’en février dernier, j’avais différents styles. Ca marchait bien pendant plusieurs matches et puis je me laissais. Depuis plusieurs mois, j’essaye de conserver le même style que je modifie juste en fonction du temps, du terrain, de la pluie, de la lumière… Comment le nommer je ne sais pas, mais en tout cas c’est celui de Laura Pestel !

Qu’est-ce qu’une photo réussie ?

Il faut que l’athlète soit clean, sans déformation. Je fais des rafales à gogo pour être certaines d’avoir le bon cliché. Je n’aime pas quand le corps est déformé, ce n’est pas esthétique. J’aime beaucoup les portraits de joueuses. J’ai commencé avec des joueuses sans ballon lors de mes premiers matchs. J’aime beaucoup les photos de dos comme évoqué précédemment.

Lors de PSG-OM, j’en ai fait une de Jordyn Huitema après avoir galéré pour y arriver ! Elle l’a réutilisée sur ses réseaux sociaux. Ca dépend de chaque oeil, de chaque photographe, de chaque personne qui va regarder la photo. Il ne doit pas y avoir de flou, je n’aime pas trop ça. J’aime la netteté.

Est-il simple d’être une femme dans le monde de la photographie ?

Il est vrai que j’en croise très peu. Elles sont surtout basées en Ile-de-France. C’est un cercle fermé, très restreint. On croise souvent les mêmes têtes. Je n’en connais que 3 ou 4 qui exerce dans le football féminin. Certaines d’entre-elles font aussi du football masculin. C’est dommage de voir aussi peu de femmes. On entend souvent dans le milieu que si un homme y arrive c’est une réussite, alors qu’une femme c’est parce qu’elle couche. J’en connais qui subissent des insultes sur les réseaux sociaux. Un homme peut se permettre de tout faire dans ce milieu, mais pas une femme. C’est une réalité. C’est un milieu d’hommes. Lors de PSG-Dijon, match du titre, certains photographes (qui ne venaient pas habituellement) n’ont pas arrêté de se moquer des joueuses.

Dans le milieu de la photographie, la femme devrait avoir sa place, mais on ne lui accorde pas. J’ai cette petite “chance”, on me montre moins du doigt car je photographie des filles. La plupart des photographes veulent shooter Neymar, alors que moi c’est Nadia Nadim. Toutes les féminines du PSG et les autres clubs méritent pourtant une certaine reconnaissance. Mais dans la tête des gens, le football est un sport de mec ! Qui dit sport de mec, c’est un milieu où il ne doit y avoir que des mecs. C’est les mentalités que l’on entend autour des terrains, même chez les féminines. Les mentalités doivent encore changer.

Existe t’il une forte concurrence dans ce milieu ?

Oui, complètement. Mon mentor m’avait prévenu lorsque j’ai voulu me lancer dans le monde de la photo. Il m’avait dit que ça marchait “à coup de pute”. Je m’en suis très vite rendu compte ! Chacun veut garder sa place. De ce fait, on rentre dans ce jeu là. Les places sont tellement chères, qu’on ne veut pas qu’on nous la prenne, une fois obtenue. Il y a tellement de demandes pour peu de places. Que cela soit en tant que photographes d’un club ou d’une agence, il y a très peu de places. Plus c’est cher, plus il y a de concurrence, c’est logique !

C’est une question d’offre et de demande. C’est très compliqué tous les jours, car on est sans cesse à regarder ce que fait le voisin. J’essaye donc d’être toujours à l’écart des autres photographes. Je ne suis jamais du même côté que tout le monde, car je veux avoir quelque chose de différent. Des fois, c’est à tord, car les filles vont célébrer leurs buts vers la masse de photographes, bien qu’elles célèbrent très peu leurs buts. Mais je préfère avoir un autre angle de vue, une autre approche… J’essaye de me démarquer de la sorte !

J’ai créé un groupe de photographes de sport sur les réseaux sociaux, et nous nous sommes bien rendus compte les uns et les autres, que c’est chacun pour soi dans ce milieu. C’est clairement un monde d’égoïste.

Comment as-tu vécu cette saison historique des féminines du PSG ?

C’est énorme, je n’ai pas d’autre mot ! Tellement ouf ! Difficilement explicable ! Etant supportrice du PSG, c’est forcément un privilège de pouvoir vivre cela du bord du terrain. En étant photographe, j’ai pu voir et ressentir les émotions de chaque joueuse tout au long de la saison. J’ai pu les voir tomber, se relever, crier de joie, pleurer, hurler pour fêter leur premier titre de championnes de France, le premier de l’histoire du club ! Même moi j’ai versé ma petite larme quand elles ont soulevé le trophée ! Je sais par quoi elles sont passées pour y arriver. Elles étaient attendues à chaque tournant.

De vivre cela au plus proche est à la fois beau et difficile. On éprouve de fortes sensations, dans tous les sens du terme. Par exemple, on s’attache forcément à ces joueuses et certaines vont d’ailleurs quitter le club. C’est donc difficile à vivre, mais d’autres vont venir. C’est totalement différent de la relation que peut avoir un supporter avec son équipe. Etre photographe d’un club que l’on supporte, c’est être supporter fois 10 000 ! Photographier n’importe quelle équipe j’aime ça, mais photographier le PSG c’est indescriptible, ça n’a pas de mot, ça n’a pas de prix. C’est énorme. Je tiens d’ailleurs à remercier Juliette, la Team Manager, qui m’a permis de vivre tout cela.

Quel est ton meilleur souvenir ?

J’en ai tellement ! Difficile de n’en citer qu’un seul. J’ai assisté à OM-PSG chez les féminines. J’étais en tribune. J’étais la seule supportrice du PSG à Marseille ! Les joueuses du PSG se sont fait insulter tout au long de la rencontre par les Ultras marseillais. Elles recevaient même des pétards ! L’ambiance était chaude. Puis Marie-Antoinette Katoto marque un but, elle se retourne vers le public en montrant le logo du PSG présent sur son maillot. Elle crie “Ici, c’est Paris !”. Comme j’étais dans les gradins, j’ai pris la photo de face, alors que tous les photographes accrédités ne l’ont eu que de dos. Forcément un grand souvenir pour moi !

Ma première accréditation officielle fut lors du match retour PSG-OM. C’était la première fois que je voyais autant de personnes dans un stade. Forcément ce match est marquant. Mais le plus grand souvenir reste le but inscrit par Grace Geyoro contre l’EA Guingamp lors du dernier match de la saison 2019/2020. Elle va pour célébrer e but avec Marie-Antoinette Katoto, qu’elle esquive finalement, elle lève la tête, puis me voit. Je comprends qu’il ne va pas falloir me louper, car elle vient clairement me dédier sa célébration. J’ai enclenché une rafale de 72 photos ! Le plus beau cadeau de la part d’une joueuse.

Quelles sont les clés de la réussite pour être photographe dans le sport de haut niveau ?

Il ne faut jamais baisser les bras. Il faut toujours savoir tomber pour mieux se relever. Il faut avancer et persévérer. Je pense que c’est dans tous les domaines. Ce n’est pas exclusif à la photographie. Dans toute notre vie en général, il faut être déterminé. Je me suis pris plus de portes fermées, que de portes ouvertes. L’essentiel est de ne jamais partir perdant. Il faut toujours ce dire qu’on y arrivera. Il faut croire en soi. Personne ne le fera pour nous.

Il faut également savoir se remettre en question. Il est important d’écouter les conseils des photographes les plus expérimentés. Il faut savoir faire face aux critiques, mais aussi faire face aux discours négatifs. Rien ne sert d’avoir le melon ! Il faut être curieux, s’intéresser à ce que font les autres également. Par exemple, je ne maîtrise pas du tout Photoshop, j’ai trouvé des alternatives qui me permettent de produire de manière professionnelle. Chacun évolue comme il en a envie. C’est comme ça que moi j’ai entre guillemets réussi.

Quelles sont tes ambitions ?

Depuis mes tous débuts dans la profession, mon rêve est de devenir photographe officielle au PSG. Ca prendra peut-être deux semaines comme ça prendra peut-être vingt ans, mais je le serai un jour ! Je le sais, car je vais tout mettre en oeuvre pour y arriver. Maintenant si on parle hors PSG, c’est pouvoir vivre de ma passion tout simplement. Si je pouvais faire des matchs tous les week-ends de janvier à décembre, je le ferai non stop car j’adore ce que je fais. Chaque semaine, je n’attends qu’une chose, c’est d’être au match. J’ai envie de vivre de ma passion. C’est le truc qui me fait le plus vibrer au monde. Même s’il y a des inconvénients comme les déplacements, ce n’est pas grave ! Je veux en vivre, c’est mon objectif, mon ambition. Si ça peut être le cas avec le PSG, ça serait l’idéal ! Le but ultime.