Interviews

JEAN-CLAUDE BILLONG

Par Rédaction 10 mai 2021

Pourquoi avoir opté pour le projet du modeste club Turc d’Hatayspor ?

Après avoir évolué en Italie durant trois ans (5 matches en Serie A, 39 matches en Serie B), l’opportunité d’évoluer en Süper Lig (ndlr : D1 Turque) s’est présentée à moi. Le club d’Hatayspor, promu en D1, m’a fait part de son vif intérêt à mon encontre, avec un projet dans lequel j’avais un rôle majeur. Je n’ai pas hésité une seule seconde pour y répondre favorablement.

Crédit Photo : Site officiel du club

En effet, je restais sur une saison compliquée à cause d’une blessure qui m’avait longuement éloigné des terrains lors de la première partie de saison. Je n’avais pas totalement retrouvé mon véritable niveau à mon retour sur les pelouses, il était donc temps de redonner un coup de boost à ma carrière.

Comment se passe cette saison pour ton équipe ?

L’équipe est actuellement classée 7e de Süper Lig (ndlr : entretien réalisé le 05 mai dernier), une belle surprise pour un club qui découvre l’élite du football Turc pour la première fois de son histoire ! Notre groupe est très homogène, de plus nous nous entendons tous très bien. C’est la première fois depuis que je suis footballeur professionnel, que j’évolue avec un tel état d’esprit familial. On s’entend tous  très bien, il y a une vraie vie de groupe sur comme en dehors du terrain. Beaucoup de mes coéquipiers sont francophones, ce qui facilite forcément les échanges. Je tire un coup de chapeau au recruteur du club car il a su créer une vraie bande de potes.

Sur le plan footballistique, nous axons notre jeu sur la possession du ballon, afin de le transmettre dans les meilleures conditions possibles à nos joueurs offensifs qui sont de très haut niveau. Je joue en défense axiale, parfois à trois défenseurs. On réalise une saison un peu comme le fait le FC Metz en L1 cette saison. Grâce à Dieu, nous avons obtenu de très bons résultats.

Crédit Photo : Actu Cameroun

Quels étaient les objectifs de base ?

Bien évidemment, le maintien était la priorité des priorités. Qui aurait dit en début de saison, que nous allions battre Galatasaray (3-0), mais aussi Antalyaspor (6-0) et Basaksehir (5-1) chez eux avec de tels scores ? Personne ! Certes, nous avons pris également des fessées, plutôt normal pour un promu, mais tenir tête et battre des grosses cylindrées du championnat nous n’y aurions jamais pensé.

Mais avec du recul, notre bonne entente et notre jeu pratiqué nous ont permis de passer de bons moments comme ces victoires. Ce qui pouvait être surprenant en début de saison, ne l’était plus au fil des matches.

Avec le contexte sanitaire, cette saison est-elle particulière à vivre pour un sportif de haut niveau ?

Complètement ! Notre équipe a d’ailleurs été touchée de plein fouet avec quinze cas ! Nous avons dû reporter deux de nos matches à cause de cela. Un mal pour un bien, suite à cela nous avons réalisé une très belle série de bons résultats. Pour ma part, j’ai également été positif au Covid-19. Je n’ai fait que dormir lors de l’été 2020 ! Je n’avais plus d’appétit, j’étais comme une sorte de légume avec cette impression d’avoir une petite grippe.

En signant en Turquie, j’espérais y découvrir cette ferveur qui règne habituellement dans les stades. Les supporters nous permettent de relever la tête lors des moments difficiles. Surtout qu’ici le football est une véritable religion. Les journaux ne parlent que de football. Il y a près d’une dizaine de chaînes de télévision dédiées à la Süper Lig qui parfois poussent leurs émissions jusqu’à deux heures du matin ! J’ai vraiment hâte d’évoluer dans des stades remplis, on n’en a un peu marre de s’entendre tous parler ! Il faudra toutefois continuer à avoir de bons résultats, car nous savons tous que tout peut aller très vite dans un sens comme dans l’autre.

D’où t’es venue cette passion pour le football ?

De mon enfance vécue d’abord à Créteil, puis à Mantes-la-Jolie. Quand je jouais dans mon quartier à Créteil, le niveau était déjà très relevé. Il fallait se faire violence pour s’imposer. Mon frère m’a ensuite dirigé vers les Lusitanos. Je suis tombé sur un bon coach qui a su me dispenser de bons conseils. Ma mère a ensuite déménagé dans les Yvelines. J’ai poursuivi au FC Mantois avec un intermède au CFFP. Au fil des années, j’ai gagné en puissance, en accélération, en rigueur balle au pied, en exigence envers moi-même car j’étais très passionné et je voulais réussir dans le football. Je jouais en milieu défensif, mais le niveau était très relevé en Ile-de-France pour espérer jouer dans un club de niveau National. J’étais convaincu qu’il ne fallait pas avoir peur de bouger pour espérer jouer un jour au plus haut niveau.

Crédit Photo : Michael Regan/Getty Images Europe

C’est ainsi que tu as pris la direction des USA. Comment as-tu fait pour rejoindre les NY Red Bulls ?

Une personne de confiance m’a mis en relation avec un agent américain, afin d’aller effectuer des essais pour jouer en NCAA (ndlr : championnat universitaire). Malheureusement, je n’ai pas obtenu mon examen qui m’aurait permis de suivre les cours en anglais. Malgré cela, cet agent m’a permis d’être contacté par LA Galaxy et NY Red Bulls. J’ai finalement intégré l’équipe réserve du second cité, mais l’aventure n’a pas duré très longtemps.

Je suis revenu en Europe, d’abord au Portugal à Leixoes puis en France au Pacy Vallée (DH) sous la coupe de Manu Huet, que je salue très chaleureusement. Le club m’a mis dans les meilleures dispositions pour me permettre de rebondir. Un autre agent m’a repéré via une vidéo de mes performances postée sur internet. Il m’a pris sous son aile pour me faire signer au NK Rudar Velenje en Slovénie ! Je n’avais rien à perdre, j’ai foncé.

Peut-on affirmer que c’est vraiment là que tout a commencé ?

Tout à fait ! J’y ai signé un contrat professionnel d’un an plus une année en option. J’y ai effectué une bonne saison en D1 Slovène (ndlr : 24 apparitions dont 21 titularisations, 2 buts) au point d’intéresser l’un des plus grands clubs du pays, le NK Maribor. Cette équipe s’était qualifiée pour la phase de groupe de la Ligue des Champions !  Ma carrière a pris un vrai envol.

Je me suis retrouvé à disputer cinq matches de C1, avec notamment une confrontation contre Liverpool sur la pelouse d’Anfield ! En face, il y avait Firmino, Salah, Can, Alexander-Arnold, Oxlade-Chamberlain, Milner, Wijnaldum… Assurément la meilleure expérience de ma vie ! Il faut le vivre pour le croire. Le niveau était impressionnant, rien à voir avec le championnat Slovène. Nous avions rencontré le FC Séville de Ben Yedder, impressionnant également. Malgré nos revers, j’avais réalisé de belles prestations et c’est ainsi que j’ai reçu beaucoup d’offres de club avec notamment la possibilité de rejoindre Benevento en Serie A.

Crédit Photo : Francesco Pecoraro/Getty Images Europe

Tu n’as pas eu un début de carrière des plus aisés, comment as-tu fait pour toujours rester motivé ?

C’est grâce à ma famille et à mon entourage proche. Mon grand frère d’adoption, Mamadou Keïta, a également toujours veillé sur moi depuis tout jeune pour rester sur la bonne voie. A Benevento, mon coéquipier Bacary Sagna (ndlr : ex-International A Français, 65 sél.) m’a pris sous son aile pour faciliter mon intégration. Si je n’avais pas été bien entouré, je serais peut-être tombé dans le cliché du footballeur pro qui s’offre les plus belles voitures, qui sort en boîte entouré de belles filles… Je suis resté concentré sur mon travail et ma progression.

Quels sont les avantages quant au fait d’être un globe-trotter ?

Tout d’abord, si je n’avais pas joué au football, qu’aurais-je fait ? J’ai fait des choix en mon âme et conscience, il était hors de question de faire machine arrière. Je savais que j’avais des capacités pour jouer au plus haut niveau, mais il me fallait ce petit coup de pouce. Je l’ai trouvé en partant à l’étranger. Dorénavant, je suis trilingue (ndlr : français, anglais, italien) et ça on ne pourra pas me l’enlever. Je me suis également enrichi sur le plan culturel. Par contre, je vis loin des miens. Depuis mon départ de Mantes, j’ai appris à vivre seul.

Mais pour pouvoir vivre tout cela, cela ne se fait pas d’un claquement de doigt, il faut une bonne dose de travail (95%) et ce soupçon de chance (5%) qui fera la différence à un moment ou un autre. Une chose est certaine, c’est le terrain qui parle. On n’est pas là pour faire ami-ami. Il faut être bon sur le terrain, pour qu’on ne puisse rien nous reprocher. Le Président m’appelle pour me féliciter, me rémunère et je repars au boulot. C’est comme ça que ça marche !

Quels conseils peux-tu donner à tous ces jeunes footballeurs qui rêvent de jouer en professionnel ?

 

Il faut être discipliné. « Bonjour », « Au revoir », « Excusez-moi », « S’il vous plaît »… Il faut être respectueux des gens qui vous entourent et surtout travailler avec acharnement, avec détermination. Beaucoup de personnes pensaient que je me planterais en partant aux USA, au final c’est en allant là-bas que ça m’a ouvert des portes. Il faut croire en soi et en ses rêves, mais il faut se donner les moyens de les atteindre. Il ne faut pas avoir peur du challenge ! Si je n’avais pas franchi ce cap, peut-être que je jouerais actuellement à Versailles ou à Fleury ?

Crédit Photo : Aitor Alcalde/Getty Images Europe

Au moment où nous réalisons cet entretien (ndlr : jeudi 04 mai), tu viens de recevoir ta toute première convocation avec les A du Cameroun. Forcément de quoi te rendre très heureux ?

 

Effectivement, je viens d’apprendre ma pré-convocation avec les Lions Indomptables pour les éliminatoires du Mondial 2022. Plus que de la joie, c’est une immense fierté ! C’est un grand honneur d’avoir reçu cette convocation de la part du nouveau sélectionneur Toni Conceiçao, mais J’espère vraiment faire partie du groupe final. Avec l’aide de Dieu, je vais y parvenir.

J-C, le Team BK te remercie pour ta disponibilité et te souhaite une franche réussite pour la suite ! A toi le mot de la fin…

 

Je souhaite dédicacer cette interview à ma mère, mon frère et mon pote d’enfance. Sans eux, je ne sais pas si j’aurais pu gérer mentalement tous mes choix de vie. Je salue mon conseiller qui est pour moi comme mon frère. Sans lui… J’espère que mon témoignage pourra aider un certain nombre de jeunes qui seraient amenés à devoir prendre les mêmes décisions. Je ne regrette aucun des miens, croyez en vous !


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