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KESSYA BUSSY

L’attaquante internationale U20 Kessya Bussy (19 ans) a découvert cette saison la D1 Arkema avec le Stade de Reims. Nommée dans la catégorie « Meilleur Espoir Féminin » lors des Trophées UNFP du football, elle a démontré que son intégration au plus haut niveau était plus que réussie. Échange authentique avec cette spécialiste de l’éloquence…

Par Rédaction 27 mai 2021

Alors qu’il ne reste plus qu’une seule journée de championnat cette saison en D1 Arkema, quel bilan peux-tu tirer sur le plan collectif ?

Nous avons eu un collectif très solidaire toute la saison, à un tel degré que je n’avais jamais connu cela auparavant. Dès ma venue en juillet dernier au Stade de Reims, j’ai ressenti tout de suite que j’allais vivre ma passion d’une tout autre manière, avec un esprit très familial. Nous avons disputé nos premiers matchs amicaux en août, lors desquels nous avons obtenu de très bons résultats, sans connaître la moindre défaite, de quoi nous donner un maximum de confiance pour entamer le championnat de D1.

Il en fallait, car nous avons débuté la saison face aux trois meilleures équipes françaises ; à savoir les Girondins de Bordeaux, le PSG puis l’OL, pour ce qui était l’ordre des rencontres. On a entamé la saison en tenant en échec Bordeaux (4-4) après avoir été menées (1-4) sur notre terrain. Ce match a été très révélateur de notre état d’esprit. « Tout est possible à celui qui y croit ! » Voilà la devise qui nous a portés tout au long de la saison, car il s’agissait d’une très belle performance.

Certes, nous avons connu des moments parfois difficiles, notamment face au PSG et à l’OL, mais nous avons bien négocié les matchs contre nos adversaires directs pour atteindre l’objectif du maintien. Cela ne fait que deux ans que le Stade de Reims est en D1 Arkema, le but est de l’installer durablement avant d’espérer mieux. La saison passée a été tronquée par le covid-19, donc l’objectif primordial était le maintien. Chose atteinte vers la quinzième journée, ce qui nous a renforcés dans l’idée qu’on pouvait faire de plus belles choses.

Nous avons réussi à dégager une belle image du Stade de Reims, car nous avons proposé du beau jeu tout au long de l’année. Nous n’avons jamais eu peur d’affronter les plus grandes équipes. Même si notre objectif était le maintien, nous n’avons jamais opté pour un bloc bas, ce qui a rendu notre jeu très intéressant.

Kessya Bussy maillot numéro 19@Stade de Reims

Tu as découvert la D1 Arkema cette saison, es-tu satisfaite sur le plan personnel ?

Effectivement, je suis arrivée au Stade de Reims l’été dernier en provenance de l’US Orléans (D2). J’ai signé mon premier contrat fédéral avec Reims. Je ne m’attendais vraiment pas à avoir autant de temps de jeu pour mes débuts en D1 Arkema (ndlr : 21 matchs, 20T+1R+4 buts). Je savais que ma coach faisait confiance aux jeunes, mais je ne pensais pas qu’elle m’intégrerait aussi rapidement dans le collectif. J’en profite pour remercier l’ensemble de mes coéquipières qui m’ont très bien intégré. Elles ont été géniales avec moi.

D’un point de vue purement footballistique, j’ai énormément appris lors de mes premiers mois au Stade de Reims. Ça m’a permis de me rendre compte des réels objectifs que je pouvais me fixer pour la suite de ma carrière. Je ne pensais pas être capable d’obtenir autant de temps de jeu, qui plus est avec quelques statistiques encourageantes.

À propos de ton intégration, fut-elle si aisée que cela ? On imagine que la différence d’âge avec certaines de tes coéquipières peut être intimidante, tout comme les centres d’intérêt qui doivent parfois être très différents ?

Ça, c’est sûr ! J’appréhendais beaucoup ! Je me faisais une image de la D1 avec des filles charismatiques et moi j’arrivais comme un bébé… Au final, elles ont su très bien m’intégrer. Le fait d’avoir des filles de cultures différentes nous a permis de nous ouvrir aux autres beaucoup plus facilement.

C’est la première année où je vis seule, loin de mes parents. Je me suis prise en main, dans mon propre appartement. J’ai changé de FAC. Après avoir fait ma L1 à Orléans, j’ai poursuivi ma L2 à Reims. Ce changement de vie n’était pas simple, mais les filles de l’équipe m’ont très bien épaulé. Tout s’est très bien passé.

Quelles sont les différences notables entre la D1 et la D2 ?

Dès la préparation estivale, j’ai ressenti énormément de différences. L’exigence de travail lors des entraînements est vraiment supérieure en D1. Je n’ai pas eu d’autre choix que de me mettre au niveau sur le plan individuel, sinon j’étais certaine de ne jamais jouer. Il y a beaucoup plus de concurrence qu’à Orléans où l’effectif était moins étoffé.

Le rythme lors des matchs est beaucoup plus intense, l’erreur technique n’est pas permise. Tactiquement, il faut un placement des plus précis, sinon des décalages se créent et l’on peut vite encaisser un but.

Au niveau des médias, il n’y a aucun rapport. En D1, nous sommes filmées tous les week-ends. Il y a certaines exclusivités comme D1 Le Mag sur FFF TV. Nous sommes également mises en avant sur les différents réseaux sociaux. Les demandes d’interviews se font plus régulières, en témoigne celle de Billion Keys. Cette mise en avant est bénéfique, car elle nous permet de nous exprimer plus facilement au fil du temps devant les médias.

Kessya Bussy sur le terrain de Foot@L’Union

Transition toute faite, puisque tu as remporté le premier concours d’éloquence organisé au Stade de Reims et le 2e prix lors de la finale Nationale. Comment as-tu vécu cette expérience ?

Une superbe expérience que je ne regrette pas du tout ! Je souhaite à tout le monde de la vivre, d’autant plus qu’elle sera renouvelée l’an prochain. Je vais me réinscrire sans aucune hésitation. Cet exercice m’a fait grandir et surtout de prendre confiance en moi pour m’exprimer, car ce n’est jamais évident de prendre la parole devant les gens.

J’ai également pu me rendre compte que chaque mot avait un poids. On peut porter des idées avec notre façon de nous exprimer. Ce n’est pas parce que nous sommes footballeuses que nous n’avons pas le droit de donner notre avis. Le fait de vivre cette expérience avec mes coéquipières fut très intéressant. Nous avons pu affronter d’autres clubs avec des mots, ça change du terrain !

Puisque tu parles du terrain, d’où t’est venue cette passion pour le football ?

Mon papa fut footballeur. N’ayant pas eu de garçon, c’est à travers moi qu’il a souhaité transmettre sa passion. Nous avons beaucoup joué ensemble dans un parc à côté de notre maison. Jusqu’au jour où une amie m’a sollicité pour aller m’inscrire au SMOC Saint-Jean-de-Braye qui montait une équipe féminine. Je suis « tombée » dedans ainsi ! Je n’ai jamais eu la moindre envie de lâcher, car ça m’a immédiatement plu.

Tout n’a pas été facile pour autant. Avec deux de mes coéquipières, nous avons joué avec les garçons après les U11 jusqu’en U15. Le niveau était monté d’un cran, ça allait beaucoup plus vite. On sentait parfois de mauvais jugements à notre égard. À cette époque, on nous chambrait lors des concours de jonglages. Au final, je battais les garçons ! Je les revois à moitié en train de pleurer !

Parfois, je disais à mon père que je n’avais pas trop envie d’aller jouer au football, car les garçons n’étaient pas toujours tendres dans leurs propos ou leurs attitudes. Au fur et à mesure, certains d’entre eux ont su me protéger et m’intégrer au groupe. Heureusement que mes proches étaient là également pour me soutenir, car au début ce n’était vraiment pas simple.

Par la suite, j’ai intégré des sections sportives au collège, encore une fois avec des garçons. J’ai énormément évolué lors de cette période, car j’ai pris conscience que j’avais de la chance de pouvoir pratiquer ma passion en parallèle des études. Mon coach Baptiste Ridira (ndlr : CTD du Loiret) m’a permis de progresser et ainsi d’intégrer le pôle espoir de Tours.

Ce fut le vrai tournant de ma vie de footballeuse. Ma coach Emilie Dos Santos m’a fait prendre conscience que le foot est une passion, mais qu’avec un réel investissement je pourrais très certainement ambitionner de belles choses. C’est à cette période que j’ai commencé à intégrer la sélection nationale U16. J’ai compris que ça commençait à prendre de l’ampleur, que ce n’était plus trop le foot de quartier ! Si l’on m’avait dit quand j’étais petite que j’en serais là aujourd’hui, je ne l’aurais jamais cru. C’est davantage ma famille qui a cru en moi. J’avais des objectifs, mais de là à être championne d’Europe en 2019, à signer un contrat fédéral ou même intégrer un pôle espoirs, je ne l’aurais jamais pensé. J’avais l’envie, mais c’était du domaine de l’inaccessible…

Kessya Bussy en jeu@UEFA

Quels souvenirs conserves-tu de ce titre de champion d’Europe 2019 avec l’équipe de France U19 ?

C’est tout simplement la plus belle expérience de ma vie. Ce n’était pourtant pas facile, avec une préparation qui fut très longue. Il fallait bosser en été alors que tout le monde était en vacances. Nous sortions d’une grosse saison avec l’US Orléans. J’avais eu énormément de temps de jeu en D2. C’était mon année de BAC (ndlr : mention bien en ES) et du permis de conduire. J’ai obtenu les deux, mais j’étais très fatiguée.

J’ai fait partie du groupe de Gilles Eyquem, en étant surclassée. On ne voyait pas la différence d’âge avec les autres filles, car nous ne formions qu’un. Nous avions un groupe de qualité avec des joueuses comme Naomie Feller, Sandy Baltimore, Melvine Malard, Vicki Becho, pour ne citer qu’elles. Une superbe équipe ! Je regrette d’ailleurs que nous ne puissions pas faire la Coupe du Monde, annulée à cause de la crise sanitaire. Je suis persuadée que nous avions de réelles chances.

L’équipe de France est-elle devenue un objectif constant ?

Une fois qu’on y goûte, on ne veut plus la lâcher ! C’est un grand honneur de représenter son pays, qui n’est pas donné à tout le monde. Beaucoup de joueuses et même de petites filles en rêvent, voilà pourquoi je vis cela comme un honneur quand je suis appelée. Dorénavant, je passe en U23. Il y a beaucoup plus de tranches d’âges dans cette catégorie. Il va falloir s’imposer pour y rester. Je vais bosser dur pour y parvenir, car ça ne va pas être facile.

À quoi penses-tu lorsque tu entends l’hymne national ?

Je suis toujours émue dès les premières notes. Mes premières pensées vont vers mes grands-parents, car les anciens se sont battus pour notre pays. Ça me procure beaucoup d’émotions de représenter mon pays.

Quelles sont les clés de la réussite pour atteindre le plus haut niveau ?

Il faut d’abord prendre le football comme une passion. Aller à l’entraînement ne doit surtout pas être une contrainte. Pour ma part, je suis très persévérante. Si on me dit que je ne vais pas y arriver, je vais tout faire pour y arriver. Il faut être exigeant envers soi-même et dans notre travail de tous les jours. Il faut également avancer avec le sourire ! Ce sport est et doit avant tout rester un plaisir. J’en suis là aujourd’hui grâce à tout ça, mais également au soutien de mes proches. L’entourage est très important.

Kessya Bussysur le terrain
@L’Union

Quand on porte le maillot du Stade de Reims, le poids du passé se fait-il ressentir ?

Lorsque le Stade de Reims m’a contacté, j’étais très honorée. Mon père en avait une image mythique ! La cité des sacres ! Quand j’ai signé mon contrat, je ne m’en rendais pas forcément compte. C’est en venant au stade que j’ai compris la place qu’occupe ce club dans l’histoire du football français. Chaque jour, on nous fait comprendre que l’on représente l’image d’un grand club français.

Peu de clubs français ont atteint la finale de Ligue des Champions. On essaye de ne pas oublier. Le palmarès du club est écrit sur les murs de chaque bâtiment, que ce soit à l’accueil du self, dans la salle de musculation, dans nos vestiaires… Ça nous pousse à nous battre pour ne pas oublier celles et ceux qui en ont fait son histoire.

Lors du discours d’inauguration de notre nouveau bâtiment, les pionnières ont été vraiment mises en avant. Il y a un gros respect pour les générations passées. Les anciennes joueuses viennent régulièrement nous voir jouer. Elles se sont battues pour nous permettre d’avoir ce que l’on a aujourd’hui, à nous d’en faire tout autant.

Pas trop déçue de ne pas avoir été élue meilleur Espoir féminin de la D1 Arkema ?

Je ne m’attendais pas du tout d’être nommée parmi les 5 finalistes ! Un réel honneur ! D’autant plus qu’il s’agit de ma première année en D1. J’étais à la fois choquée et fière. C’est une distinction immense pour une fille de mon âge. Lorsque Sandy Baltimore fut élue, j’étais très contente pour elle. J’ai même voté en sa faveur. Elle le mérite amplement, elle a réalisé une grande saison, avec de superbes statistiques. Je n’étais même pas déçue, car ce n’était que du bonus si j’avais été élue. J’en profite pour remercier les personnes qui ont voté pour moi afin de figurer dans les prétendantes. Une vraie belle surprise !

Pour clore cet entretien, quel est ton état d’esprit ?

Je suis dans un bon état d’esprit, car le club s’est maintenu en D1. Ça soulage d’un poids contrairement à d’autres équipes. Bientôt, les listes des sélections nationales vont sortir, on verra bien ce que cela va donner. Je suis contente de faire cette interview, car ça montre que les filles sont mises en valeur. Ça me fait plaisir de voir que le football féminin avance et qu’on nous porte un intérêt.

Je remercie mes parents, mes deux petites sœurs et mes meilleures amies pour leur soutien de tous les instants.


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Profil

Nom : Bussy

Prénom : Kessya

Née le : 19 juin 2001

À : Orléans (45)

Taille : 1m64

Poste : Attaquante

Pied : Droit

Clubs successifs : SMOC Saint-Jean-de-Braye (2008/2016) – US Orléans (2016/2020) – Stade de Reims (depuis juillet 2020)

Nationalité : Française

Sélections : U20 (4 sél./1 but) – U19 (18 sél./2 buts) – U17 (4 sél./2 buts) – U16 (7 sél.)

Palmarès : Championnat d’Europe 2019 (EDF/U19), Nike International Friendlies 2019 (EDF/U20)