Interviews

PIERRE-YVES BODINEAU

Par Rédaction 06 mai 2021

Comment devient-on Directeur Technique de la PSG Academy ? Quelles sont tes principales fonctions ?

Il faut tout d’abord une expérience de Directeur Technique dans une ou plusieurs structures, ainsi qu’un diplôme équivalent à la Licence A UEFA. Il faut être à l’aise dans sa communication avec toutes les entités au sein du club, ainsi qu’avec tous les partenaires. Ca demande beaucoup de flexibilité dans les horaires car on travaille avec un réseau international. Il faut prendre en compte les différents décalages horaires. Il est également indispensable de maîtriser l’anglais.

La PSG Academy a pour principales missions de développer l’image et le savoir-faire du PSG à travers le monde, en faisant profiter tous les jeunes fans du club des conditions similaires et de la même méthodologie utilisées au sein du centre de préformation.

Pour se faire, ma fonction englobe plusieurs tâches :

  • Construire et faire évoluer la méthodologie de l’Academy
  • Elaborer les programmes d’entraînement
  • Développer les contenus des séances d’entraînement
  • Former les coachs à devenir des experts de l’enseignement du football
  • Superviser les différents staffs

Quels sont les objectifs fixés par la PSG Academy concernant ton poste ?

La stratégie du club a évolué avec le temps, mes objectifs également. Par le passé, Antero Henrique (ndlr : ancien directeur sportif du PSG, 2017-2019) souhaitait de la quantité et de la qualité. Suite à la crise sanitaire, nous nous sommes focalisés sur la qualité. Bien que sollicité dans le monde entier, le club possède quelques priorités selon les territoires. En fonction de cela, mon travail va être jugé sur le nombre de formations dispensées, sur le nombre de documents créés et diffusés, ainsi que sur le taux de renouvellement des licenciés plus que sur le nombre de nouvelles inscriptions.

Quelles sont les principales qualités nécessaires pour endosser le rôle de Directeur Technique ?

Bien évidemment, il faut posséder des compétences en matière de formation. En plus de l’âme d’un formateur, il faut porter beaucoup d’amour pour le club, savoir et comprendre où l’on va. L’idée maîtresse est de tout mettre en œuvre pour faire rayonner la marque PSG et le club dans son ensemble.

Je me dois d’être ouvert d’esprit, d’être à l’écoute et faire preuve de patience. En plus d’être un bon communicant, je me dois d’être disponible et de faire preuve de flexibilité comme évoqué précédemment.

J’ai également appris à être seul, ce n’est pas toujours évident pour moi qui ait longtemps travaillé en tant que coach. J’ai toujours eu l’habitude de partager des émotions avec un staff. C’est un grand changement, c’est une sorte de sacrifice que je fais pour le club car ce projet est déterminant.

A quoi ressemble ta semaine-type ?

Enormément de choses à faire, c’est « no limit » ! La priorité est de garder contact avec toutes les Académies. C’est beaucoup de communication. Je partage toutes ses tâches avec notre équipe dirigée par Nadia Benmokhtar (responsable internationale des PSG Academy). L’équipe est également composée de Valentin Weller (brand marketing & communication), de Frédéric Verclytte (business developer) et de Benjamin Houri (head coach).

Il y a tout d’abord du travail de bureautique, pour construire les séances d’entraînement ainsi que les formations des éducateurs. Il faut préparer et éditer un certain nombre de documents. Nous devons également organiser nos visites dans les différentes académies du monde entier. Chaque mercredi, nous rendons visite à des centres Urban Soccer qui accueillent la PSG Academy pour contrôler si la méthodologie est bien respectée. Nous participons à des réunions avec les autres services du club afin d’établir de vraies passerelles, notamment pour le sponsoring ou bien les tournées du club. Nous sommes en relation avec le centre de préformation dirigé par Thomas Leyssales. Dans la mesure du possible, nous intervenons à trois reprises par semaine auprès de ses équipes. Beaucoup de rendez-vous rythment nos semaines. Le club a le vent en poupe en ce moment, nous sommes donc régulièrement sollicités.

Comment es-tu accueilli lorsque tu débarques dans une PSG Academy ? Est-ce comme-ci la Tour Eiffel se déplaçait ?

Je ne suis pas une rock star, encore moins Neymar ! Mais j’amène un morceau de Neymar en quelque sorte. Les enfants me demandent souvent si je connais ou si j’ai déjà vu des joueurs comme Neymar ou Kylian Mbappé. Lorsqu’ils me reçoivent, les adultes sont conscients que j’arrive du Camp des Loges. C’est indéniable, ces 3 lettres « P.S.G » font rêver dans le monde entier. Il y a une ferveur autour du club qui est extraordinaire. Il faut se déplacer pour s’en rendre compte et voir à quel point le PSG est dans le cœur des fans étrangers. Je ramène toujours un petit bout du PSG, je suis un peu considéré comme un VIP. J’essaye donc de ramener à chaque fois le meilleur de notre centre, tout en essayant de promouvoir avec mon collègue Benjamin tout ce que l’on met en place depuis des années, basé sur les différentes touches que les techniciens ont pu apporter au fil des années au sein de la PSG Academy.

Deux joueurs issus de la PSG Academy intègrent le centre de préformation pour la prochaine saison. Est-ce le début d’une longue liste ?

Avec ces deux signatures et la promotion qu’il y eu autour, ça a créé beaucoup d’effusion au sein des académies. Tous les adhérents ont vu cette possibilité de passer directement par ce biais pour être recruté. C’est une réalité, les chances d’intégrer le centre de préformation du PSG seront plus accrues en fréquentant la PSG Academy. On va tendre de plus en plus vers cela, car on travaille de mieux en mieux, d’année en année. Ces réussites vont forcément attirer d’autres bons joueurs. Ca valide la qualité de notre programme. C’est les fruits d’un long travail. Cela fait maintenant plus de quinze ans que la PSG Academy existe, avec bon nombre de réussites. Certains jeunes ont intégré d’autres clubs que le PSG, ça ne peut que continuer.

Toutefois, il ne faut surtout pas oublier notre fonction essentielle. La priorité n’est pas de recruter via la PSG Academy, mais de proposer à tous les jeunes du monde entier les conditions idéales pour être éduqué par la pratique du football et via leur club de cœur. Le but officiel n’est pas d’être le principal fournisseur de talents pour le club, mais à titre personnel ça serait un rêve de voir évoluer au PSG des jeunes issus des différentes académies. Qu’ils viennent de Saint-Germain-en-Laye ou de Rio, les enfants ont tous le même amour pour le maillot du PSG. Ca serait génial, mais il y a des lois et des règlements qui nous empêchent de faire n’importe quoi car on ne peut pas délocaliser les enfants comme ça, ce n’est pas la clé de la réussite. Si l’on peut accompagner les meilleurs éléments vers le haut niveau tant mieux, mais si ce n’est pas le cas on souhaite les orienter vers des pistes qui pourraient malgré tout les satisfaire. Il y a plein d’autres réussites que dans le football. Il n’y a pas besoin d’être joueur de haut niveau pour réussir sa vie professionnelle.

Existe-t-il une concurrence avec les autres grands clubs européens ?

Tous les autres grands clubs européens possèdent effectivement ce type de structures, sous différentes formes. Tous n’ont pas forcément les mêmes objectifs en terme de qualité et de quantité, voire même de compétitivité. On se regarde tous les uns et les autres, c’est certain. Le FC Barcelone qui s’appelait « Escola de Futebol » a repris notre terme générique « Barça Academy ». La Juventus en a fait tout autant. A un moment, nous avions peut-être failli changer de nom, mais nous nous sommes vite rendus compte que c’était un terme qui définissait parfaitement l’ensemble du programme qui va concourir à l’enseignement du football des jeunes et à leur éducation.

Il y a forcément de la concurrence, on la ressent plus dans certains pays que certains autres. A Miami, toutes les Académies européennes, asiatiques et sud-américaines, sont concentrées dans la même zone géographique. Il faut donc essayer de se démarquer. Le choix des parents est souvent dicté par l’impact des stars du club concerné lors de la saison en cours. Ils sont très conditionnés par ça. Quand le PSG va très loin en Ligue des Champions, la concurrence prend peur ! Ils savent que de nombreux bons joueurs vont vouloir rejoindre les rangs Rouge & Bleu. Ils vont vouloir savoir comment on travaille pour faire partie du club.

Ton poste demande t’il une certaine adaptabilité suivant le pays où tu te rends ? Par exemple entre le public Turc et Brésilien, ton approche est-elle différente ?

C’est une excellente question. En plus l’exemple de ces deux publics est très pertinent, car il s’agit des deux pays où je dois le plus m’adapter. Ces deux pays se ressemblent, les gens sont passionnés, avec une immense ferveur. Ils considèrent vraiment le football comme une religion. C’est très important dans leur vie de tous les jours. Le fait de ne pas parler turc et portugais, ne facilite pas toujours la transmission des messages. S’adapter aux cultures et aux coutumes locales est indéniablement la clé du succès dans cette entreprise.

J’ai appris qu’on ne pouvait pas tout changer d’un coup. J’ai certes une responsabilité indirecte, car nos partenaires sont des franchisés, mais je suis là pour donner des conseils aux éducateurs et les pousser à les appliquer. Je ne suis pas leur responsable direct, ce n’est pas comme ci j’avais choisi les personnes. Il faut que je sois très diplomate et patient pour faire passer mes idées.

Au Brésil comme en Turquie, ils ont l’impression qu’il faut souvent être très interventionniste sur le côté du terrain. On essaye d’améliorer leurs attitudes, leurs discours, leur impact auprès des plus jeunes. Par exemple, on leur apprend à davantage parler avec les joueurs sans ballon, plutôt qu’avec celui qui conduit le ballon. On leur apporte une autre manière de fonctionner et au final ça fonctionne.

Aux Etats-Unis, il n’y a pas de vestiaire. C’est quelque chose qu’on ne peut même pas imaginer chez nous. Les enfants viennent en étant en tenue de football et repartent sans prendre de douche. Il n’y a pas de vie de vestiaire, mais ils font beaucoup plus de matches. Il faudrait trouver des stratagèmes pour développer une vie de groupe. Là-bas, tout est axé sur la gagne. Ils ont des championnats, des applications qui ont pris le pas sur la fédération. C’est devenu la référence, avec un système de points. Pour prendre des points, il faut disputer de nombreux matches. Les parents vont aller davantage vers la structure la mieux notée. Sauf que c’est très biaisé, car ça ne participe pas du tout à la formation, mais ça favorise davantage la compétition chez les jeunes.

Chaque pays a ses particularités locales. On essaye donc de s’adapter, pour tenter de faire changer les choses. Nous venons avec une marque, et ça doit se voir. Il doit y avoir le même langage. Que cela soit à Bangkok ou à  Rio, la méthodologie doit être appliquée. Si demain, si un coach de Doha doit aller à Genève et un coach de Genève d’aller à Miami, ça ne devrait pas poser de problème. Il devrait y avoir une cohérence. Pour imager, si l’une des équipes de la PSG Academy s’entraîne avec des maillots verts, les gens doivent malgré tout se dire qu’il s’agisse du PSG rien que par son style de jeu !

Peut-on affirmer que lorsque l’équipe professionnelle du PSG va, la PSG Academy va ?

Forcément, si les résultats du PSG vont, ça influe pas mal sur la venue des nouveaux arrivants à la PSG Academy. Beaucoup d’enfants sont fils ou filles de fans du PSG. Mon but est que le père d’un enfant de Lyon ou de Marseille n’ait plus le choix. Qu’il sache que la meilleure école, c’est la nôtre. Je travaille tous les jours pour cela.

Un jeune qui fréquente la PSG Academy a-t-il plus de chances d’intégrer le centre de préformation du PSG qu’un jeune issu d’un club Francilien ? Voire même d’être footballeur professionnel par la suite ?

Non, ça serait mentir de ça. Il faut laisser la chance à tous les joueurs et toutes les joueuses. La PSG Academy, c’est quand même un système où l’on doit payer pour jouer. Ce n’est pas forcément accessible à tout le monde. De plus, il n’y a pas de PSG Academy forcément proche de chez tout le monde. Nous savons qu’il y a des talents partout, d’où l’existence d’une cellule de recrutement dirigée par Pierre Reynaud, qui collabore de plus en plus à nos côtés. Elle est essentiellement présente sur tous les terrains d’Ile-de-France, mais elle veille également à ce qui se passe en dehors de notre région et à l’international.

Benjamin Houri, Valentin Weller, Nadia Benmokhtar, Frédéric Verclytte et Pierre-Yves Bodineau

Quel bilan tires-tu depuis ton intronisation sur l’évolution de la PSG Academy ?

Nous sommes arrivés avec Nadia Benmokhtar en novembre 2017. Nous avons rejoint une équipe qui était en place et bien rôdée depuis plusieurs années. Il faudrait leur demander notre réel impact. Nous sommes arrivés tous les deux à temps plein au sein de la PSG Academy, ce qui n’était pas forcément le cas de ceux qui nous précédaient. Nous avons pu donner plus d’importance au projet en terme de quantité et de qualité, tout en créant davantage de passerelles avec les différentes entités du club.

Dorénavant le programme est connu dans le monde entier. La communication est beaucoup plus fluide en interne et en externe, il y a aussi plus de visibilité désormais. De plus en plus de joueurs et de joueuses veulent nous rejoindre. Nous sommes également très sollicités par de nombreux partenaires pour ouvrir des Académies dans le monde entier.

Tous les jours, on se bat pour que la PSG Academy soit perçue comme la vocation du PSG : accompagner et former nos fans, pas seulement dans le football, mais aussi dans d’autres disciplines (Academy Hand au Qatar et en Egypte, Academy judo au Qatar, Academy Esport). Grâce au football et surtout grâce au PSG, l’idée est promouvoir les efforts, l’intelligence et l’élégance.

Sur quels fondements se base votre méthodologie ? Est-ce un secret comme peut l’être la recette du Nutella ?

Pour ne pas le cacher, on l’a hérité du passage de Carles Romagosa (ndlr : directeur technique du centre de formation du PSG, 2015-2018) et de son adjoint David Hernandez, tout en la renforçant par les apports quotidiens de tous nos coachs qui oeuvrent depuis de longue date pour la PSG Academy ou qui ont rejoint la structure plus récemment. Il est vrai que le centre de préformation du PSG s’appuie grandement sur la méthode Ekono mise en place par les deux techniciens espagnols.

Progressivement, nous avons su la remodeler et l’enrichir à la sauce PSG pour faire la différence avec d’autres structures. Nous avons la chance d’avoir de très bons joueurs et de très bonnes joueuses, avec lesquels nous essayons de mieux entraîner leurs yeux et leur cerveau. Appliqué à tout le monde, c’est faisable, il n’y a pas forcément besoin d’avoir un fort potentiel technique ou physique au départ. On dispose de moyens au centre de formation du PSG (staff médical, cellule performance) qui permettent aussi de compléter la formation de cette méthodologie.

Que penses-tu du projet BK ?

Connaissant les personnes qui composent la Team BK, je ne peux croire qu’en la réussite du projet. L’expérience des médias et du monde du football que possède la Team BK me laisse penser que ce média va vite se démarquer des autres, en amenant davantage de réponses, de plaisir, de connaissances à ses lecteurs.


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