Interviews

SANDY BALTIMORE

Par Rédaction 11 mai 2021

Comment as-tu découvert la pratique du football ?

J’ai tapé mes premiers ballons dans la cour d’école, avec les garçons en primaire à Ermont (95). C’est seulement à l’âge de 10 ans que j’ai signé ma première licence en club, à Taverny. Ce sont mes camarades de classe qui m’ont motivé à les rejoindre. J’étais déjà déterminée, si jeune, à devenir footballeuse professionnelle. Mes professeurs estimaient que l’on ne pouvait pas en faire un métier, ce qui avait le don de m’énerver… J’étais tellement passionnée par ce sport que je ne me voyais pas faire autre chose. Mon grand-père avait joué en Guadeloupe, il m’avait transmis son amour pour le ballon rond.

Ton intégration en club s’est-elle bien déroulée ?

J’ai joué dans une équipe de garçons, dont la plupart étaient mes camarades d’école ce qui a bien évidemment facilité ma venue. Ca s’est très bien passé, je n’ai jamais ressenti la moindre gêne ou subi la moindre moquerie.

Tes parents approuvaient-ils ton choix de pratiquer le football ?

C’était très compliqué avec mon père, car il n’appréciait pas que je sois la seule fille au sein d’une équipe composée que de garçons. Ma mère était d’accord. Comme mon père n’était vraiment pas d’accord, j’ai dû stopper le temps d’une année, vers l’âge de 12 ans. J’ai pratiqué un peu la boxe, histoire d’avoir une activité sportive. Ma mère m’a quand même réinscrit au football, car je ne me déplaçais jamais sans un ballon. Partout où nous allions, j’étais toujours en train de jouer au football. J’ai donc réintégré le club de Taverny.

Et le PSG débarqua ?

Effectivement ! En 2014, il me restait une année à faire avec les garçons car après 15 ans on se doit d’intégrer obligatoirement une équipe de filles. Pierre-Yves Bodineau, responsable des U19 Féminines du PSG, m’avait repéré lors d’un match. Il avait attendu que je grandisse pour pouvoir signer au PSG le bon moment venu. Il s’était entretenu avec ma mère pour lui faire part de son intérêt me concernant. J’étais extrêmement contente de savoir qu’un tel club me désirait. La seule chose qui m’inquiétait, c’était d’être éloignée de ma famille.

J’ai donc changé de lycée pour me rapprocher du centre d’entraînement. Toute la journée, j’étais en cours, et le soir j’allais à l’entraînement avant de rentrer chez moi. Il n’y avait pas de centre de formation comme il existe pour les garçons. Le plus dur était de faire face à tous ces déplacements occasionnés par l’école, le football et le retour chez soi. Mon père était content car j’étais uniquement avec des filles.

Où as-tu puisé ton énergie pour justement faire face à ce rythme effréné ?

C’est le fait d’avoir entraînement tous les jours qui m’a tenu motivé. Sincèrement, je n’aimais pas l’école, car c’est dans le sport que je m’épanouissais le plus. A cette époque, seul le football m’intéressait. Je mettais plus d’énergie dans ma pratique sportive qu’à l’école.

Avec du recul, je peux affirmer que l’école à son importance, ne serait-ce pour obtenir un diplôme. Aller jusqu’au baccalauréat me semble important, pour pouvoir préparer son avenir en cas d’échec dans le football. On ne sait pas de quoi demain est fait, tout peut s’arrêter à cause d’une blessure par exemple. Il faut avoir de bonnes bases scolaires pour rebondir plus facilement.

Crédit Photo : France Football

 

Avais-tu des modèles chez les professionnels ?

J’étais fan de Ronaldinho. Je regardais beaucoup de vidéos de ses gestes techniques. Comme beaucoup, j’adore également Neymar et Lionel Messi. J’ai une vraie admiration pour les joueurs techniques. En toute modestie, j’ai toujours bien aimé manier le ballon, en tentant des gestes techniques qui sont venus plutôt naturellement sans passer des heures à les travailler.

Quels étaient tes réels objectifs en signant au PSG ?

Je ne m’étais mise aucune pression quant au fait de devenir footballeuse professionnelle ou pas. Bien qu’étant surclassée en U19 Féminines, j’ai senti une réelle progression. C’est au poste de latérale gauche que j’ai pu me perfectionner pendant deux saisons, pourtant je n’aimais pas ce poste à la base. Au fur et à mesure du temps, je me suis adaptée pour le bien de l’équipe. Par la suite, ma polyvalence a été un réel avantage pour gagner en volume de jeu.

Qu’as-tu ressenti lorsque tu as signé ton premier contrat professionnel ?

Forcément, ce fut une grande joie. J’avais déjà intégré le groupe professionnel auparavant, mais là c’était comme une sorte de confirmation de mon bon niveau. Ma famille était forcément très heureuse. Je n’ai pas cherché à savoir si ça allait créer de la jalousie, je suis restée dans ma bulle.

Tes premiers pas au sein du groupe professionnel furent-ils réalisés sur la pointe des pieds ?

J’étais très jeune, j’avais 16 ans il me semble. Au début, il y avait une légère crainte de se retrouver parmi des grandes joueuses, surtout que je suis de nature plutôt réservée. Les joueuses expérimentées ont cherché à bien m’intégrer, mais j’ai vite compris que ça serait par le jeu que je ferais ma place. L’intensité aux entraînements était beaucoup plus relevée qu’en U19. Je m’en souviens comme ci c’était hier ! La vitesse, les duels, tout était différent. Quand je sortais d’une séance, j’étais vraiment KO ! Je ne me suis pour autant jamais dit que je n’avais pas le niveau. Si le coach m’avait intégré à son groupe, c’est que j’avais les qualités pour y être. Je ne me suis jamais posé de question.

Crédit Photo: Les Titis du PSG

Comment gères-tu cette petite notoriété naissante ?

 

Je reste moi-même. Je n’ai pas envie de changer. Je ne me prends pas plus la tête qu’auparavant. Le fait d’évoluer avec des joueuses expérimentées m’a permis de gagner en maturité. J’observe beaucoup leurs attitudes, leur approche de la compétition sur comme en dehors du terrain. On doit soigner notre image. Etant donné que je réponds à de plus en plus d’interviews, je commence à maîtriser de mieux en mieux cet exercice.

Quel est ton avis sur le développement du football féminin au PSG ?

Le PSG, c’est mon club de cœur, donc le voir se développer de manière positive ne peut que me réjouir. Etant licenciée depuis de nombreuses années, j’ai pu voir son évolution constante. C’est évidemment un grand plaisir de participer à sa progression, en espérant lui permettre d’aller encore plus haut.

Vous êtes quatre Titis Girls (avec Grace Geyoro, Marie-Antoinette Katoto et Perle Morroni) formées au club à être régulièrement titulaires avec l’équipe fanion. Est-ce l’une des principales raisons de la réussite actuelle de votre équipe ?

 

Ça montre surtout que le PSG a franchi un cap avec ses joueuses formées au club, qu’il sait dorénavant nous faire confiance. De là à dire que notre amour pour le maillot déteint sur le reste de notre équipe, je ne peux l’affirmer. Je ne me suis d’ailleurs jamais posé la question.

Quelles sont les clés pour atteindre le plus haut niveau et surtout y perdurer ?

J’ai toujours pris une expression en exemple : « Il faut toujours croire en ses rêves ». Sans détermination, on ne peut pas atteindre nos objectifs. Il faut adopter un bon comportement sur comme en dehors du terrain. Ca passe par la politesse, le respect, le fair-play. Il faut également veiller à avoir une bonne hygiène de vie. Il faut faire attention à son image, notamment sur les réseaux sociaux.

Crédit Photo : Paris-Saint-Germain

Si tu devais inciter une jeune fille à jouer au football, quels arguments utiliserais-tu ?

Ca doit venir naturellement, il ne faut surtout pas forcer un enfant. Si ce n’est pas du football, ça sera une autre discipline. Par contre, le football est un sport collectif qui permet de partager beaucoup de choses ensemble, de vivre de bons moments et d’apprendre de vraies valeurs.

Quels sont les plus beaux moments vécus jusqu’à aujourd’hui ?

A 16 ans, j’ai disputé mes premières minutes en Ligue des Champions contre Lilleström (ndlr : elle est entrée en jeu à la 83e, lors de la victoire 4-1 au stade Charléty le 13 octobre 2016). Avec l’équipe de France U19, nous avons remporté l’Euro en 2019 qui était disputé en Ecosse. Un an après, j’ai effectué mes premiers pas avec l’équipe de France A, avec un but inscrit pour ma première sélection face au Kazakhstan.

Que penses-tu de la saison que vous êtes en train de vivre ?

Nous avons clairement passé un cap. Nous avons gagné en maturité au fil des années. Forcément, l’élimination face au FC Barcelone a été difficile à encaisser. Nous avons toutes été très déçues. C’est le football, ça arrive. Il faut vite passer à autre chose, surtout que la saison n’est pas finie. Il nous reste encore la possibilité de décrocher deux titres. Il faut aller chercher la Coupe de France et le titre de Champion de France.

Pour clore notre entretien, quel est ton avis sur la place qu’occupe le football Féminin en 2021 ?

Je pense qu’il est encore en éveil. Il possède encore une grande marge de progression. L’étape ultime serait la professionnalisation de notre discipline.